La tuerie d’Auriol : d’un combat politique à un massacre
La tuerie d’Auriol : d’un combat politique à un massacre
Le 23 avril 1984, lors du procès du sextuple meurtre d’Auriol (Bouches-du-Rhône) devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence, trois des accusés : Finochietti, Collard et Maria (de gauche à droite).
Été 1981. La gauche est au pouvoir depuis trois mois. Le 18 juillet 81, un commando du Service d’action civique (SAC) élimine le chef de la section Marseille du service d’ordre gaulliste et massacre cinq membres de sa famille.
Commando
Ce samedi 18 juillet 1981, à Auriol (Bouches-du-Rhône) en début d’après-midi, un commando de six hommes se met en planque devant la maison de Jacques Massié.
Inspecteur
Ce dernier, âgé de 41 ans, est un inspecteur de police affecté à Marseille. Mais il est aussi connu pour être le chef de la section des Bouches-du-Rhône du Service d’action civique (SAC).
Milice
Milice gaulliste créée par Jacques Foccart, devenue service d’ordre du parti , pour lequel l’arrivée au pouvoir de la gauche en cette année 1981 alimente de grandes craintes, aggravées par de fortes rivalités internes.
Bastide
Domicilié à Auriol dans une vieille bastide provençale située dans le lotissement de la Douronne où il vit avec son épouse Marie-Dominique, 34 ans et son fils Alexandre, 7 ans.
Beaux-parents
Ce samedi-là, Massié reçoit ses beaux-parents, Jules et Emmanuelle Jacquèmes, ainsi que son beau-frère, Georges Ferrarini, compagnon de sa sœur Marina.
Embuscade
En embuscade aux abords de sa maison, Jean-Joseph Maria, l’adjoint de Massié et son ennemi juré, Jean-Bruno Finochietti, instituteur, Lionel Collard, ancien légionnaire, et Didier Campana, Ange Poletti et Jean-François Massoni, trois postiers membres du SAC.
Interroger
Les six hommes ont pour mission d’interroger et d’éliminer celui qui est soupçonné de vouloir trahir son organisation et d’avoir aussi commis diverses malversations.
Cotisations
Il aurait notamment détourné les cotisations des membres du club de tir du SAC, et racketté les bars de Marseille et de Toulon au nom du SAC.
Massacre
Ce qui lui aurait permis de payer sa Ferrari rouge et sa bastide. Ces rumeurs vont conduire au massacre d’une famille entière. Le commando observe à la jumelle la bastide qui semble vide.
Voiture
La voiture du policier est garée devant. Vers 15 heures, Massié quitte la maison provençale en empruntant le véhicule de son beau-frère, et, méfiant, laisse le sien garé en évidence.
Photo non datée de la famille de Jacques Massié, peu avant la tuerie d’Auriol.
Action
Après cinq heures de surveillance, les six hommes, masqués et armés de couteaux, de fusils et de revolvers, décident de passer à l’action, ignorant que leur cible a quitté les lieux quelques heures plus tôt.
Maison
Ils entrent dans la maison et tombent sur l’épouse, Marie-Dominique, et le beau-frère de Massié. Ils sont gazés, ligotés et emmenés dans une chambre à l’étage.
Otages
Finochietti surveille les otages pendant que ses acolytes fouillent à la recherche de documents compromettants et d’une mallette munie d’un dispositif d’enregistrement dont Jacques Massié ne se sépare jamais.
Promenade
La belle-mère et son petit-fils Alexandre, sept ans, rentrent alors de promenade. « Je serai sage, ne faites pas de mal à maman », dit l’enfant aux futurs assassins. À 20 heures, c’est au tour du beau-père de tomber dans le guet-apens.
Exécution
À l’étage, l’enfant et sa mère reconnaissent Jean-Bruno Finochietti : c’est l’ancien maître d’école d’Alexandre. Alors, tout bascule. À 18 heures, le chef, Collard décide d’exécuter toute la famille. Les otages sont descendus tour à tour dans le salon et assassinés. Deux membres du commando partent se débarrasser des corps.
Jacques Massié
Jacques Massié rentre chez lui dans la nuit, vers 3 heures du matin, loin d’imaginer ce qui a pu arriver aux siens. Il tente de s’enfuir. Finochietti l’assomme et le poignarde sur le trottoir. Son cadavre est chargé dans une voiture, puis enterré dans la campagne, à vingt minutes d’Auriol.
Incendie
Les criminels allument quelques bougies sous les rideaux de la bastide, pour faire croire à un incendie et maquiller leur crime, puis ils prennent la fuite, en emportant les fameux dossiers sensibles.
Feu
Le dimanche 19 juillet 1981, lorsque Marina Massié, la sœur de Jacques Massié, arrive à la bastide où un repas de famille est prévu, elle découvre une maison à demi consumée par le feu, un intérieur dévasté et des traces de sang.
Crime
Elle se rend dans un premier temps à l’hôpital du coin, puis elle alerte les gendarmes. Ces derniers comprennent vite qu’il s’agit d’un crime.
Juge
Placée sous l’autorité de la juge d’instruction Françoise Llaurens-Gérin aux motifs d’enlèvements, séquestrations, homicides volontaires, l’enquête est confiée au service régional de la police judiciaire de Marseille.
Auditions
Les premières auditions menées dans la journée avec des témoins et des proches des Massié, orientent très vite l’enquête vers le milieu du SAC, et les noms de Maria, Collard et Finochietti. Ces derniers sont aussitôt interpellés. Fragile, l’instituteur craque et avoue au terme de quarante heures de garde à vue les meurtres.
Corps
À partir de ses indications, le corps de Jacques Massié est découvert au col du petit Galibier, dans le Var, et exhumé dans la journée du 22 juillet 1981.
26 juillet 1981. Archives Sud Ouest.
Affaire
L’affaire d’Auriol fait la une des médias nationaux et régionaux. « SAC : des baroudeurs aux truands », titre « Sud Ouest » le 26 juillet 1981, en rappelant dans ses pages intérieures l’histoire des réseaux du Service d’action civique, la police parallèle créée par de Gaulle.
Tuerie
Dans l’enquête sur la tuerie d’Auriol, « on cherche toujours les cadavres », écrit le journal. « La sale affaire », comme l’appellent eux-mêmes les policiers, a pris hier une dimension nationale.
Gouvernement
« Le gouvernement, a dit le premier ministre Pierre Mauroy, est décidé à ne rien laisser dans l’ombre quelle que soit la situation des hommes qui pourraient se trouver au bout de l’écheveau ».
Extrapolations
Autour de l’affaire d’Auriol, on a parlé de trafic de drogue, de trafic d’armes, de fausses monnaies En l’absence de tout indice sérieux, il s’agit pour beaucoup d’extrapolations, du moins jusqu’ici. »
Massacre
Le 30 juillet 1981, plus de dix jours après le massacre, Massoni finit par désigner une ancienne mine à l’extérieur du village Les Mayons, dans le Var, comme l’endroit où les corps des autres membres de la famille Massié sont dissimulés.
Crime
L’atrocité du crime émeut la France entière et devient une affaire d’État. À la demande du président de la République François Mitterrand, le gouvernement dissout le SAC, le 3 août 1982.
Mémoires
Dans ses mémoires de conseiller de François Mitterrand, Jacques Attali rapporte une conversation privée au cours de laquelle le président de la République lui fait cette confidence :
« François Mitterrand : « Ces gens-là sont encore très puissants. Ils essaieront de déstabiliser le régime. Ce qui est arrivé à Salvador Allende peut m’arriver. Je le sais. » Il me confie, sans précisions, qu’il a reçu des menaces après le 10 mai 1981.
Message
Un jour, lors d’un voyage en province, quelqu’un lui glissera dans la main un message pour lui prouver qu’on peut l’assassiner, le moment venu, sans difficulté. »
La juge d’instruction, Françoise Llaurens-Gérin (G), Marina Massié (C) et les avocats Maîtres Gilbert Collard (2e D) et Jean Roussel (D) se rendent sur les lieux de la tuerie d’Auriol, le 27 juillet 1981.
Procès
Quatre ans après les faits, le procès de la tuerie d’Auriol s’ouvre aux assises des Bouches-du-Rhône, le 22 avril 1984. Il ne s’agit pas d’un simple fait divers, mais bien dune affaire politique.
Françoise Llaurens-Gérin
« En filigrane de la tuerie d’Auriol et au centre des débats d’un procès-fleuve qui s’ouvre aujourd’hui : le SAC (Service d’action civique), dissous par le gouvernement en août 1982. Un SAC dont les « marécages » marseillais apparaissent à chaque page du dossier du juge Françoise Llaurens-Gérin ».
Délibération
Le 18 mai 1985, après 20 jours d’audience et sept heures de délibération, la cour d’assises condamne Jean-Joseph Maria, Lionel Collard et Ange Poletti à la réclusion à perpétuité, Jean-Bruno Finochietti et Didier Campana à vingt ans de prison, et Jean-François Massoni à quinze ans devant une salle pleine à craquer et sous les yeux des caméras, présentes depuis le début de cette affaire.
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