Les quatre morts mystérieuses de Dinan

 

Les quatre morts mystérieuses de Dinan

2000002982373Lorraine Glasby et Paul Bellion, retrouvés le mercredi 1er octobre 1986, ligotés et bâillonnés dans un champ de maïs près de Lanvallay (Côtes-d’Armor).

Deux couples d'étrangers ont trouvé la mort en Bretagne à sept ans d'intervalle, en 1979 et en 1986. Deux drames très similaires toujours pas résolus. Le premier est prescrit, le second, en passe de l'être. Sur le bureau du capitaine Pascal Huche un dossier cartonné, serré par une sangle, s'épaissit lentement.

Rapports

Il contient des rapports d'audition, des expertises, des noms de suspects, des fiches détaillées sur d'interminables recherches.

Enquête

Mais l'enquête n'avance plus. Bloquée ! Et pour ce policier madré, à la stature impressionnante, c'est un véritable défi.

Saint-Malo

Voilà des années qu'il est en poste à Saint-Malo et que ce fameux dossier le tourmente. Il faut dire que les victimes de ce crime-là avaient été particulièrement abîmées.

Maman

Et que la pauvre maman qui avait signalé la triste affaire à l'un de ses prédécesseurs n'a jamais retrouvé la tranquillité puisqu'elle attend désespérément sa conclusion.

Enquête

C'est en effet le 23 septembre 1986 que la longue enquête commence. Dans la cité corsaire, les derniers vacanciers plient bagage et les commerçants font leurs comptes. 

Policiers

Même les policiers s'apprêtent à passer en mode hivernal après une saison touristique plutôt calme quand cette mère particulièrement angoissée, Pauline Glasby, pousse la lourde porte du commissariat. 

Disparition

« Ma fille, Lorraine, accompagnée de son futur mari, Paul Bellion, ont disparu, explique cette Britannique, mêlant l'anglais à un Français approximatif. » Enseignants de travaux manuels dans le Norfolk (Angleterre), ils n'ont pas assuré leur rentrée scolaire le 9 septembre 1986. 

Périple

« Ils devaient revenir d'un périple à vélo en France... » Puis elle ajoute, en sortant des cartes postales de son sac : « Ils nous écrivaient régulièrement. »

Carte

« La dernière carte que nous avons reçue, de La Rochelle, date du 14 août. Ils devaient rejoindre Saint-Malo pour prendre le ferry du retour le 24 août 1986 à 21 h 30. Nous savons qu'ils n'étaient pas à bord. » « Apparemment, ils n'ont toujours pas quitté la France...»

2000002982373Des traces de Paul Bellion seront retrouvées dans ce combi Volkswagen, retrouvé abandonné à 4 kilomètres du lieu du crime. La piste ne donnera toutefois rien.

Recherche

L'inspecteur réagit en lançant un avis de recherche. Des témoins se manifestent, notamment des commerçants de Saint-Solen, un bourg tranquille à six kilomètres à l'est de Dinan.

Jeunes

Ils se souviennent avoir vu les deux jeunes touristes le 23 août vers 19 heures. Sous une pluie battante, ils revêtaient leurs cirés jaunes, après avoir bu un chocolat chaud. Ils enfourchaient leurs bicyclettes et prenaient la direction de l'auberge de jeunesse de Dinan. Où ils ne sont jamais arrivés.

Chasse

Au matin du 1er octobre 1986, Gérard, la cinquantaine solide, part à la chasse ; sa passion. Ubik, son épagneul breton, trotte en tête dans la campagne et s'engage soudain dans un champ de maïs de Bois-Fougère, à la sortie de Saint-Solen.

Chien

« Si mon chien n'avait pas aboyé, je n'aurais pas eu l'idée de regarder entre les tiges, hautes de plus de deux mètres. »

Compris

« J'ai compris tout de suite. J'ai pensé instantanément aux touristes anglais pour lesquels on avait lancé un avis de recherche.»

Légistes

Les légistes font remonter la mort au 24 août 1986 au soir, le lendemain de leur disparition. Leurs constatations racontent une fin terrible : les corps sont allongés côte à côte sur le dos, les bouches bâillonnées par du ruban adhésif, les mains liées dans le dos avec de la cordelette.

Attachés

Ils sont attachés l'un à l'autre à hauteur des coudes. Au poignet de la jeune femme reste accrochée une longe de la même cordelette de 2,80 mètres. 

Meurtriers

Comme si le ou les meurtriers les avaient tenus en laisse jusqu'à cet endroit avant de les abattre d'une décharge de fusil de chasse dans la nuque.

Mobile

Quel mobile ? Le jeune couple d'enseignants en fin de vacances n'avait plus que quelques centaines de francs. Aucun mouvement sur leurs comptes bancaires ne sera relevé et leurs trois chèques de voyage volés, jamais utilisés. 

Agression

Une agression sexuelle ? La fermeture Eclair du short de Lorraine était baissée, mais l'état des corps ne permet pas à l'autopsie de l'affirmer.

2000002982373Le 1er octobre 1986, deux touristes anglais étaient retrouvés morts dans un champ de Saint-Solen, près de Dinan. 

Policiers

Les policiers mènent une enquête opiniâtre et, en épluchant les archives, exhument un autre double meurtre aux ressemblances troublantes. Cette ancienne affaire, toujours pas élucidée, remonte à 1979. Cet été-là, André et Marie-Christine Van Herpen, originaires de Gand (Belgique) profitaient de leurs vacances pour visiter la France. 

Couple

Un petit couple sans problèmes : la trentaine, lui est cadre administratif, elle, enseignante. Le 15 juillet 1979, on les avait retrouvés assassinés près de Dinan, à Vildé-Guingalan. Le champ de maïs de Saint-Solen où ont été découverts les jeunes Anglais n'est qu'à treize ou quatorze kilomètres.

Abattus

André et Marie-Christine avaient été abattus d'une décharge dans la nuque. Ils étaient dans leur Toyota Corolla couleur moutarde : Marie-Christine au volant, André à ses côtés, et leur tueur à l'arrière avec un fusil de chasse à canon scié. 

Suspicion

Contrairement à Lorraine, il n'y a aucune suspicion d'agression sexuelle de Marie-Christine, encore vêtue. Mais là non plus, on ne retrouvera jamais ni leurs bagages ni l'arme du crime.

Gendarmes

Bien que les gendarmes en charge de cette enquête n'aient pas ménagé leurs efforts pour examiner toutes les hypothèses, c'est le hasard qui a fourni la piste la plus sérieuse.

Témoignage

À 800 kilomètres de là, en décembre 1980, la brigade de gendarmerie d'Arlon (Belgique) recueillait le témoignage d'une femme blessée dans son orgueil, Marceline, 43 ans : « Mon concubin m'a quittée pour aller vivre avec ma sœur. 

Tué

« Ça ne vous intéresse peut-être pas, mais si je vous dis qu'en l'espace de trois ans, il a volé quarante statues et œuvres d'art dans des lieux de culte bretons pour les revendre à l'étranger... Et, surtout, qu'il a tué un couple de jeunes Belges...»

Questions

Les gendarmes la pressent de questions. Elle poursuit : «Il s'appelle Roger, il a 40 ans. C'est un brocanteur manouche.

Surpris

Le 15 juillet 1979, nous faisions un coup dans l'église de Lamballe quand nous avons été surpris par un couple de jeunes touristes belges.

2000002982373Quadruple meurtre pour un trafic d’oeuvres d’art volées dans des églises bretonnes : les magistrats passent l’éponge et se moquent de l’enquêteur.

Bague

Pour détourner leur attention, Roger s'est adressé à eux, en flamand, et a finalement proposé d'acheter la bague de la jeune femme. « Il est monté dans leur voiture jaune pour aller prendre un verre avec eux à Dinan. Marceline, restée sur place, n'a eu des nouvelles qu'un peu plus tard ». « Il m'a demandé de venir le chercher. »

Abandonner

« Il était tout seul en train d'abandonner la voiture des Belges (au croisement où elle sera finalement retrouvée). Puis il a jeté un peu plus loin leurs bagages et ses vêtements dans une décharge.

Sang

« Il avait du sang au poignet droit. » Malheureusement pour les enquêteurs, Marceline n'est pas ce qu'on appelle un témoin fiable. Connue de leurs services, elle est impliquée dans le trafic international d'œuvres qu'elle dénonce. 

Version

Plus grave, elle change constamment de version pour se couvrir. Aussi, le juge d'instruction de l'époque préfère-t-il prononcer un non-lieu plutôt que de voir la fiabilité d'un témoin clé voler en éclats au procès.

Prescription 

Dix ans plus tard, le délai de prescription enterre définitivement l'affaire. Le 6 septembre 2001, à quinze jours de la fin du délai de prescription, un certain Paul Buccheit, détenu de la prison de Toul, en Meurthe-et-Moselle, veut négocier des révélations « contre une remise de peine ». 

Audition

Les policiers qui l'avaient arrêté croient mollement à ce genre de confession, mais ils vont vite comprendre l'intérêt de cette audition. 

Codétenu

Un codétenu de Paul Buccheit se plaignait de la sévérité de sa condamnation pour cambriolages. « Cela méritait moins, disait-il. En plus, ces cons ne m'ont jamais coincé pour un double meurtre dans l'Ouest qui valait plusieurs fois la perpétuité. » 

Paul Buccheit

Devant l'afflux de détails, les enquêteurs réalisent que Paul Buccheit n'invente rien et que son codétenu pourrait être l'auteur du double meurtre en Bretagne.

2000002982373Pascal Huchel les détails de son enquête.

Pascal Huche

C'est à ce moment qu'intervient le capitaine Pascal Huche, qui reprend ce funeste dossier et arrive de Saint-Malo pour questionner à son tour le détenu à Toul. 

Viol

Les auditions se poursuivent, plus précises. Il est même question de la tentative de viol sur la femme, élément pourtant connu des seuls enquêteurs... Et du meurtrier. Mais qui était donc ce codétenu mécontent  Et bavard ? « Un gars du voyage, leur apprend Buccheit. Il s'appelait Michel, il était auxiliaire (détenu employé par la prison) à Metz en 1996. »

Brocanteur

Vérification faite, Michel n'est autre que le fils de Roger, le brocanteur soupçonné du meurtre des Belges ! Pour éviter le même sort aux investigations qu'ils poursuivent sur le meurtre de 1986, celui du couple anglais, les policiers se relancent une nouvelle fois sur la piste. 

Détenu

Mais Roger ne peut pas être inquiété, puisque à cette époque, il était détenu à Rennes pour ses pillages d'églises. Ils reportent alors leurs espoirs sur le combi Volkswagen qui avait été signalé le lendemain du crime à quatre kilomètres de là, dans une décharge. 

Cheveux 

Des cheveux et du sang appartenant au couple britannique avaient été prélevés à l'intérieur. Lorraine et Paul étaient donc montés à bord, mais le véhicule, volé cinq jours plus tôt en Allemagne, n'était pas aux mains de son propriétaire. 

Conducteur

Et son conducteur demeurait impossible à identifier. Jusqu'à ce que le hasard, décidément, leur apporte le nom sur un plateau... Près de quinze ans plus tard.

Hypothèse

Le capitaine Huche et ses policiers risquent une hypothèse : en 1986, Michel aurait commis un forfait similaire à celui que son père avait commis sept ans plus tôt. 

Enquête

Un moyen de détourner les soupçons puisque Roger est alors en prison. Ils préparent une véritable enquête de terrain autour des suspects qui sont alors en liberté. 

Investigations

Mais, avant de lancer de longues et coûteuses investigations, les magistrats préfèrent d'abord établir que Michel était bien le conducteur du combi Volskwagen. Ils comptent sur une analyse ADN., la chance qui auparavant souriait aux enquêteurs a désormais tourné. 

Scellé

Le scellé essentiel des prélèvements du combi a été détruit lors d'un grand ménage de printemps au palais de justice de Dinan.

Portes

Le capitaine de police, Pascal Huche, fulmine : « L'ADN seul ne vaut rien sans une bonne enquête policière, et, à ce jour, il reste plusieurs portes que nous n'avons pas encore fermées. »

Non-lieu

Pour autant, un mauvais épilogue se profile. Faute d'éléments probants, la justice envisage de rendre un non-lieu avant la fin de l'année. 

Échec

« J'accepte l'échec, maugrée le capitaine Huche, mais je ne veux pas dire aux familles des victimes que nous n'avons pas de résultats alors que nous n'avons pas tout essayé. »

Dossier

Dans son bureau, l'œil fixé sur l'épais dossier qu'il connaît pourtant par cœur, le policier pense souvent à ces familles, ses parents de touristes assassinés, qui, là-bas en Angleterre et en Belgique, s'accrochent encore à l'espoir de connaître la vérité. Et d'y trouver enfin l'apaisement.

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